Avec l'intensification des catastrophes naturelles telles que les inondations et les sécheresses dues au changement climatique, les gouvernements et les entreprises du monde entier ont commencé à chercher des moyens de réduire l'impact de l'homme sur la nature. Cette tendance s'est traduite récemment par des rébellions radicales d'actionnaires et des changements de paradigme dans l'industrie pétrolière et gazière. Toutefois, ces approches visant à promouvoir le changement environnemental ont des limites pratiques, car les processus du monde moderne sont régis par des systèmes judiciaires et économiques. Ainsi, pour mieux intégrer et comptabiliser les services naturels fournis par nos écosystèmes, nous devons élaborer des lois, des politiques et des incitations économiques.
En 2012, les Nations unies ont mis au point le système de comptabilité économique environnementale (SCEE ). Il s'agissait d'une étape importante dans la reconnaissance de la valeur des services écosystémiques. En mars 2021, les Nations unies ont adopté un nouveau cadre pour intégrer le capital naturel dans les rapports économiques, allant au-delà du produit intérieur brut (PIB) en reflétant la dépendance de l'économie à l'égard des ressources naturelles. Ce cadre fournit de nouvelles lignes directrices aux gouvernements pour exprimer les services écosystémiques en termes monétaires et intégrer le capital naturel dans les rapports économiques.
L'évaluation de la valeur monétaire des services rendus par les écosystèmes est une étape clé vers l'intégration de la nature dans notre économie. Toutefois, ces progrès sont encore insuffisants pour attirer les investissements et s'intégrer dans les marchés financiers. C'est pourquoi nous devons codifier la valeur des services écosystémiques par le biais de la législation et des politiques afin de transformer ces actifs en capital naturel quantifiable . En 2017, l'avocat spécialiste de l'environnement D. Boyd a élaboré une nouvelle théorie juridique et jurisprudentielle appelée " droits de la nature ". Depuis, un nombre croissant de pays accordent à la nature des droits de personne juridique. Pourquoi est-ce si important ? En l'absence de droits juridiques, le monde naturel n'est discuté et valorisé que dans la mesure où il est d'une utilité immédiate pour l'homme. Le fait d'être reconnu comme une personne morale donne à la nature le droit fondamental d'exister et de prospérer dans un environnement sain. Plus important encore, elle lui confère également le pouvoir juridique de poursuivre les infractions à ses droits. Une fois que les services rendus par les écosystèmes auront une valeur monétaire et que des cadres juridiques et économiques auront été mis en place, leur importance pourra être quantifiée et alimenter des marchés financiers tels que le marché des crédits carbone. Cependant, comme d'autres formes de capital, le capital naturel peut être déprécié. La dépréciation résulte de son épuisement, de sa dégradation ou de son exploitation. Par conséquent, pour conserver et accroître notre capital naturel, nous devrons non seulement le protéger, mais aussi le surveiller et le suivre de près. Dans le cas des baleines, cela signifie que nous devons améliorer notre efficacité dans leur détection afin de mettre en place des programmes de surveillance dans les vastes zones qu'elles habitent.
Le Canada veut être un leader et un pionnier dans la préservation de ses actifs naturels et la transformation de ces actifs en capital naturel. En tant que membre des Nations unies, le Canada a adopté et met en œuvre le nouveau SCEE. La nature est également reconnue légalement au Canada. En avril 2021, la rivière Magpie, située au Québec, s'est vu accorder le statut de personne morale. Cette masse d'eau a désormais le droit d'exister, de couler, de maintenir sa biodiversité et peut intenter une action en justice si ces droits ne sont pas respectés.
Ce désir de changer la façon dont nous voyons et apprécions la nature au Canada se reflète également dans le nouveau budget environnemental du gouvernement fédéral, qui prévoit 4,1 milliards de dollars pour conserver et protéger ses terres et ses océans, dont 976,8 millions de dollars consacrés à la protection d'au moins 25 % de ses océans d'ici 2025. Cependant, si les zones de protection marine peuvent être un outil efficace pour protéger notre capital marin, elles n'auront que très peu d'impact si elles ne sont pas surveillées efficacement et adéquatement à l'avenir.
Les eaux froides canadiennes abritent une pléthore d'espèces de baleines telles que les baleines bleues, les rorquals communs, les baleines à bosse et les baleines franches de l'Atlantique Nord. Chacune de ces espèces et populations fournit un certain nombre de services naturels que nous avons explorés dans un blog précédent intitulé " Le coût de la mort d'une baleine". Dans ce blog, nous avons également mentionné un document récent du FMI évaluant la valeur monétaire des services rendus par les grandes baleines à 2 millions de dollars américains par individu. Cette étude fournit un point de référence essentiel pour évaluer le capital naturel des baleines au Canada. Cependant, la véritable valeur monétaire des écosystèmes baleiniers ne peut être calculée que si nous étudions les services écosystémiques spécifiques aux espèces, aux populations et à leurs zones de distribution dans les eaux canadiennes.
Enfin, si les mammifères marins sont en partie protégés au Canada par la loi sur les espèces en péril et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, ces mesures sont insuffisantes pour transformer en capital les services écosystémiques fournis par les baleines. Le fait d'accorder aux baleines le statut de personne au Canada leur conférerait des droits et une représentation juridiques solides qui permettraient aux décideurs politiques d'assurer un suivi adéquat de ces actifs, avec des mesures d'application et des incitations pour attirer l'implication du secteur privé. Avec une représentation juridique et des politiques appropriées, les services écosystémiques des baleines pourraient être échangés sur les marchés du carbone, ce qui permettrait au Canada de tirer profit non pas de l'exploitation de la nature, mais de sa protection. Dans les semaines à venir, nous parlerons plus en détail du marché du carbone et du rôle de Whale Seekerdans ce domaine en développement !